Pauvreté et Inégalité aux States (1)

Publié le par David-Antoine Malinas

Je vais rester à l'université de Stanford, Californie, pour 3 mois dans le cadre d'une recherche sur "l'impact de la crise sur les populations fragiles aux Etats-Unis et leur mobilisation". Je distingue deux types de notes : recherche et subjective (ou réflexion). Cette note n'a pas valeur de recherche, elle est totalement subjective.

Catégorie : réflexion

 

Foreclosure

Avant même de partir, la situation à l'air plutôt catastrophique. J'étais à la recherche d'un appartement à louer autour de la baie de San Francisco. J'ai fait quelques recherches sur google map. La chose incroyable est que, quand on cherche un logement, il y a trois catégories : la catégorie "rent", donc location, la catégorie "buy", donc les ventes, jusque là tout va bien, et il y a une troisième catégorie qui est "foreclosure", c'est à dire "saisies". Si vous voulez faire l'expérience, c'est facile. Vous allez à google map et une fois situé sur San Francisco (ou bien ailleurs), vous tapez "real estate". Et comme vous pouvez le voir sur l'image en dessous, il y a beaucoup de foreclosure.

Foreclosure.jpg

 

Inégalement pauvre

Une fois arrivé, il se trouve que le hasard faisant bizarrement les choses - je travaille quand même sur la pauvreté - je me suis retrouvé dans le quartier le plus huppé de la banlieue sud, juste à côté, comme c'est souvent le cas dans les grandes conurbations, du quartier le plus pauvre, avec des travailleurs journaliers, souvent illégaux, qui attendent que des pick-up passent les prendre même le jour de thanksgiving. Et pourquoi ma propriétaire loue-t-elle une partie de sa maison, qui devait servir de chambre de bonne (grande comme un appartement japonais quand même) ? Et bien la crise touche aussi les riches. Et il lui est difficile de joindre les deux bouts. Elle ne voulait plus recevoir d'argent de son fils donc elle a décidé de louer deux de ses chambres.

Sur le même sujet, il va falloir que je retrouve le lien, mais il y avait un reportage, je crois de 60 minutes, sur les chômeurs en californie, et le fait qu'il y avait de nombreux anciens executives, des personnes qui avaient des postes de responsabilité, qui se retrouvent sans emploi.  J'ai retrouvé :

http://www.cbsnews.com/video/watch/?id=6987699n&tag=cbsnewsMainColumnArea.5

 

En fait, le reportage a surtout fait un buzz parce qu'il était question de la sous-estimation des chiffres officiels du chômage et du sous-emploi. Il y a aussi un signal d'alarme tiré alors que la prolongation de l'aide aux personnes au chômage à 99 semaines touche à sa fin.

http://www.edd.ca.gov/unemployment/Federal_Unemployment_Insurance_Extensions.htm


Je lis le San Francisco Chronicle qui est l'équivalent de La Provence (ou bien le Dauphiné Libéré... bons souvenirs !). Et il y a deux articles concernant la question de la grande pauvreté ou grande précarité aux States. Le premier c'est une femme de 70 ans, non 73 ans, qui ne pouvait plus payer son loyer avec sa retraite d'un peu moins de 1000 dollars (ça doit faire environ 850 euros). Elle a dû quitter son logement et s'est retrouver à dormir dans sa voiture, à la recherche de travail tous les jours. A 73 ans !!! man... Et puis au bout de quelques jours sans manger, et sans trouver de travail,  elle a pris contact avec une association caritative qui s'appelle Sunnyvale. Et maintenant elle est dans une maison de retraite. Et tout le long de l'entretien, elle dit qu'elle est très heureuse d'avoir trouver des gens pour la soutenir. "They were so good to me". Et puis d'ajouter que si elle était plus jeune, elle aurait pu faire face à la situation plus facilement (I wish this had happened to me when I was younger [] I think I would have better coped with it" (SFC, 25 november 2010). 

L'autre article concerne une famille qui a vraiment pas de chance. La fille est autiste, les parents sont tombés malade en même temps, et aux Etats-Unis, tomber malade ou se suicider c'est la même chose pour beaucoup de personnes à cause du coût de la santé dans ce pays. Donc, ils ne peuvent plus payer leur prêt logement, et la banque fait une saisie sur leur maison. Ils prennent un avocat, considère que la banque a été trop rapide et n'a pas pris en compte tous les éléments. Mais bon, autant dire qu'ils n'ont aucune chance de trouver un solution en dehors de se retrouver à la rue. Dans le cas présent, Citi a senti que l'article ne faisait pas du bien pour son image de marque a un moment où les banques font plutôt profil bas dans le pays. Donc, il semblerait qu'une nouvelle solution soit envisageable.

Silence des pauvres

Alors ce qui m'étonne de plus en plus c'est qu'on voit les Irlandais, les Grecs, les Français, manifester contre les plans d'austérité, même au Japon, le mouvement anti-pauvreté n'a jamais été aussi fort, mais aux Etats-Unis, il n'y a rien. Je veux dire que la première personne, la dame de 73 ans, trouve tout le monde gentil, et considère que c'est de sa responsabilité si elle est dans cette situation et que les choses se seraient mieux passées si elle avait été dans son jeune âge, c'est-à-dire capable d'y faire face. En fait, si on y pense bien, sa situation n'a que peu de lien avec la crise actuelle. Ca peut arriver n'importe quand qu'une pension de retraite ne suffise pas, mais ce qui m'intéresse c'est cette façon de comprendre la situation et de faire reposer la responsabilité de sa situation sur ses épaules. De l'autre côté de l'espace social, il y a Warren Buffett qui dit exactement le contraire, qui dit que s'il est devenu aussi riche, ce n'est pas seulement à cause de ses dons, mais parce que ce don était particulièrement valorisé à un moment donné dans la société (merci Ronald). Quand quelqu'un comme Warren Buffett change d'avis et voit dans le système, même en partie, l'une des raisons de sa réussite, l'impact est immense puisqu'il souhaite donner la moitié de sa fortune au monde entier et demande à ses collègues milliardaires de faire de même (ave accès aux médias etc.). Mais pour qu'une personne de 73 ans voit qu'une partie de son échec est imputable au système, et en plus qu'elle arrive à mobiliser, on est pas sortis de l'auberge.

Et dans les deux articles il y avait une certaine ambiguité. Dans le premier, c'était plutôt finalement une publicité pour Sunnyvale, une association caritative qui est financé à 50 pour cent par une famille philanthropique. En même temps, c'était très mignon parce que les dons anonymes, en fait le don anonyme, est identique chaque année au don fait par la famille (et probablement avant mais il n'y a pas les chiffres). Je ne suis pas mathématicien, mais les probabilités jouent contre l'anonymat du donneur. Dans l'autre article, c'est en fait la page business du SFC "The Chronicle with Bloomberg". C'est là où le système se mort la queue. C'est grâce aux inégalités, donc à la puissance économique accumulée par quelques uns dans un temps -1 que les pauvres peuvent être aujourd'hui être aidés soit directement, soit par l'intermédiaire de la presse. C'est bien ça le problème du caritatif, c'est que c'est toujours mieux que rien, mais c'est toujours trop tard.

 

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